2.1  INTRODUCTION

 

 

Dans ce chapitre, une étude détaillée de l’interface Er/Si(111) 7x7 est présentée à partir d’images STM. L’analyse des résultats obtenus sera appuyée par les travaux de photoémission effectués par l’équipe de recherche du Professeur Gewinner du L.P.S.E..

 

L’étude des siliciures de terres rares sur Si(111) suscite depuis quelques années beaucoup d’intérêt technologique et fondamental [1-4]. En particulier, le siliciure d'erbium présente une faible hauteur de barrière de Schottky [5,6] sur un substrat de silicium de type n (0,3 - 0,4 eV), comparable à celle de CoSi2/Si(111). Cette interface offre des possibilités d’applications en microélectronique pour des détecteurs infrarouges [7,8]. De plus, la faible résistivité du siliciure d’erbium est intéressante pour la conception de contacts ohmiques [9]. Comme nous le verrons, ce système présente également un grand intérêt du point de vue fondamental pour son mode de croissance et la diversité de ses reconstructions.

 

Le siliciure d’erbium se forme pour des températures de l’ordre de 500°C. La faible différence de paramètre de maille (-1,22 %) avec le silicium (111) permet d’obtenir une croissance épitaxique de très bonne qualité. De nombreuses techniques d’analyse (DEL, diffraction d’électron Auger, microscopie électronique à balayage,  EXAFS : Extended X-ray Absorption Fine Structure [10-15]) ont été utilisées pour étudier le siliciure d’erbium, offrant ainsi beaucoup d’informations complémentaires parmi lesquelles les modèles atomiques des deux siliciures stables ErSi2 et ErSi1,7.

 

         Nos travaux ont montré que l’interface Er/Si(111) 7x7 est un système extrêmement riche et complexe pour lequel nous avons observé cinq reconstructions différentes :

·        trois siliciures d’erbium stables

·        et deux reconstructions métastables.

 

Au début de mes travaux, certaines caractéristiques de cette interface étaient déjà déterminées telles le mode de croissance et l'étude des siliciures stables. Dans ce chapitre, ma contribution concerne essentiellement les reconstructions métastables.

 

         Avant de présenter les résultats obtenus sur l’interface Er/Si(111) 7x7, rappelons les principales caractéristiques de la surface Si(111) 7x7.

 

2.2   LA SURFACE Si(111) 7x7

 

         Depuis son observation en diffraction d’électrons lents en 1959 [16], la surface de silicium(111) reconstruite 7x7 a été beaucoup étudiée. Parmi les diverses reconstructions de la surface Si(111) telles la 5x5, la 9x9,… ou la 2x1, la reconstruction 7x7 est la plus stable. En étudiant cette surface sous ultravide en diffraction d’électrons par transmission [17], Takayanagi proposa un modèle atomique en 1985, le Dimer-Adatom-Stacking-fault (DAS), unanimement accepté et en accord avec les premières images tunnel de la 7x7 obtenues par Rohrer et Binnig [18].

        

2.2.1)         Le modèle atomique DAS de la 7x7

 

         Elément de la colonne IV de la table périodique, l’atome de silicium présente une couche électronique externe contenant 4 électrons ([Ne]3s23p2) et forme des liaisons de type sp3 avec les atomes voisins. Il résulte de cette hybridation sp3 une structure cristallographique de type diamant (avec un paramètre de maille de 5,43 Å). Dans la direction [111], la structure correspond à un empilement de bicouches de silicium reconstruites 1x1 (avec un paramètre de maille de 3,84 Å). La figure 2.1 présente le modèle atomique de la 7x7.

 

Figure 2.1 :Dimer-Adatom-Stacking-fault modèle de la 7x7 [19].

 

         Le modèle DAS de la 7x7 est caractérisé par 12 adatomes (atomes saturant les liaisons pendantes de la première couche) arrangés en deux demi-cellules reconstruites 2x2, 6 rest-atomes (atomes de la première couche non saturés par un adatome) et 1 corner-hole (lacune).

 

         Cette reconstruction complexe contient 102 atomes :

·     48 atomes au dessus de la 1x1 du Si(111) (comprenant les dimères),

·     42 atomes (rest-atomes compris) dans la couche supérieure. Cette couche de 42 atomes, due à une dimérisation au bord de la cellule, correspond à une diminution d’atomes par rapport à la 1x1 qui en contient 49 atomes,

·     et 12 adatomes.

 

Les reconstructions de surface apparaissent de manière à minimiser l’énergie libre de surface ; ainsi, la surface 7x7 apporte une réduction du nombre de liaisons pendantes de 49 à 19 ce qui est énergétiquement plus favorable (12 liaisons pendantes sur les adatomes, 6 sur les rest-atomes et 1 sur le corner-hole).

 

         De plus, cette reconstruction 7x7 est dissymétrique. La couche d’atomes notée a n’est pas parfaite et présente une faute d’empilement. La figure 2.1(bas) décrit la séquence d’empilement Aac et Aab dans les deux demi-cellules.

 

La figure 2.2 montre des images STM de la surface 7x7 dans les deux polarités où les 12 adatomes sont visibles dans chaque cellule.

 

  

 

Figure 2.2 : Image STM de la 7x7 en polarité positive à gauche(12x12 nm2)

et négative à droite (25x25 nm2.

2.2.2)         Les propriétés électroniques de la 7x7

 

 

         Les images STM de la 7x7 (figure 2.2) dépendent fortement de la valeur de la différence de potentiel V et de la polarité. En particulier, l’image de droite en polarité négative montre bien la dissymétrie de la cellule ainsi que des contrastes sur les différents adatomes. La demi-cellule contenant la faute d’empilement apparaît plus haute que l’autre, et le contraste des adatomes proches des corner-holes est plus intense que celui des trois autres adatomes. Ces contrastes sont absents sur l’image en polarité positive.

 

         R. J. Hamers et al. [20] ont expliqué ces observations en comparant leurs résultats en spectroscopie tunnel (courbes It(V) : mesure locale de l’intensité du courant tunnel en fonction de la tension) avec des résultats en photoémission UPS et IPS (Ultraviolet/Inverse Photoemission Spectroscopy).

 

Figure 2.3 : a) Conductance I/V pour divers points de la 7x7

b) états de surface de la 7x7 en UPS et IPS. D’après [20,21].

 

         La figure 2.3a montre bien qu’en polarité négative, la contribution au courant tunnel est essentiellement due aux rest-atomes ; on est donc sensible au défaut d’empilement. Cette dissymétrie est observée quelle que soit la tension en polarité négative, en dessous de -0,6 V. Pour des tensions entre -0,15 V et -0,6 V, le courant tunnel provient essentiellement d’états occupés près du niveau de Fermi situés sur les adatomes.

 

Cet état de surface sur les adatomes est responsable du caractère métallique de la surface [21].

 

En revanche, en polarité positive, la contribution la plus importante provient des adatomes. Ils apparaissent de manière uniforme sur l’image STM de gauche (figure 2.2). Cependant, la dissymétrie peut être observée à 1,4 V lorsque l’intensité due aux rest-atomes est plus importante.

 

 

2.2.3)         La préparation de la surface Si(111) 7x7

 

 

         Les échantillons de silicium sont prélevés par clivage sur une plaquette de Si(111) de type n et de résistivité 0,1 ± 0,05 W.cm. L’échantillon est ensuite nettoyé sous ultravide par effet Joule sur le bras chauffant. On atteint lentement 820°C (pour éliminer les contaminants tels que l’oxygène et le carbone), puis une série de recuits à 1200°C d’une durée d’une minute est effectuée sous une pression inférieure à 1.10-9 mbar.

 

         Une descente lente en température par paliers de 20°C par minute est effectuée de 900°C à 700°C pour obtenir une transition de phase 1x1 en 7x7 ; cette transformation de phase a lieu à la température critique d’environ 860°C lors d’un processus réversible [22]. On obtient ainsi de grandes terrasses (»400 nm) parfaitement reconstruites 7x7.

 

 

2.3   L’INTERFACE Er/Si(111) 7x7

 

 

2.3.1)         Mode opératoire

 

 

         L’erbium ([Xe]4f126s2) est déposé sur le substrat Si(111) 7x7 par évaporation thermique, sous une pression voisine de 2.10-10 mbar, avec un flux de 1/3 de monocouche atomique par minute, mesuré à l’aide d’une microbalance à quartz.

 

La monocouche est définie ici comme la densité d’atomes présents en surface du silicium (111), c’est à dire  7,84.1014 atomes.cm-2.

 

Le taux de recouvrement est également contrôlé de manière statistique à l’aide des images STM.

 

Les dépôts sont effectués de deux manières différentes pour obtenir des composés cristallins :

·        soit à température ambiante suivi d’un chauffage à 500°C

     ( dépôt  « à froid »)

·        soit directement sur un substrat maintenu à 500°C                                

              ( dépôt  « à chaud »).

 

La surface est ensuite analysée à température ambiante avec le microscope STM dans la gamme de pression de 10-11 mbar.

 

Nous avons choisi de présenter l’étude de l’interface Er/Si(111) 7x7 effectuée pour des dépôts réalisés « à froid ». Les différences relativement faibles observées entre les deux modes opératoires ne seront discutées qu’en fin de chapitre.

 

         L’interface Er/Si présente principalement deux siliciures: les siliciures 2D ErSi2 et 3D ErSi1,7. Leurs modèles atomiques et leurs propriétés électroniques sont parfaitement caractérisées; nous allons maintenant les décrire.

 

 

2.3.2)         Le siliciure d’erbium 2D ErSi2

 

 

         Le siliciure de stœchiométrie ErSi2 est obtenu pour des dépôts inférieurs à 2 monocouches. La figure 2.4 présente le modèle atomique de ce siliciure d’erbium 2D, déterminé à partir de données issues de techniques d’analyse telles l’UPS, l'XPD, SEXAFS, la DEL, complétées de calculs théoriques de structures de bandes [10,23-26].

 

 

Figure 2.4 : Structure cristallographique du siliciure d’erbium 2D ErSi2.

Encadré: positions des adatomes T4 et H3.

 

         Ce modèle atomique consiste en une structure de type AlB2 avec un plan hexagonal d’erbium intercalé entre le substrat Si(111) 1x1 et une bicouche de silicium reconstruite 1x1. Les atomes d’erbium sont placés sur la surface Si(111) 1x1 en position T4 et la bicouche de silicium terminant le siliciure est tournée de 180° par rapport à celles du substrat. Notons que ce siliciure appartient au groupe d’espace P3m.

 

L’erbium trivalent positionné en site T4 se lie avec :

·        trois atomes de silicium du substrat Si(111) 1x1 (chaque liaison comptant pour 1/3)

·        et trois atomes de la bicouche de silicium (chaque liaison comptant pour 1/3).

 

Le troisième électron de valence de l’atome d’erbium est transféré vers la liaison pendante de l’adatome de Si. Ce transfert d’électron stabilise la bicouche de silicium terminant le siliciure. Cette réorganisation électronique rend la surface du siliciure 2D énergétiquement plus stable que la surface idéale Si(111) 1x1 qui possède un électron dans chaque liaison pendante.

 

         La figure 2.5 présente l’image STM en résolution atomique obtenue sur la surface du siliciure d’erbium ErSi2.

 

 

Figure 2.5 : Image STM en résolution atomique 1x1 (5x5 nm2) du siliciure 2D ErSi2.

 

         Cette image obtenue avec un courant tunnel It = 3 nA et une faible tension V = 6 mV révèle un réseau hexagonal 1x1 de protubérances d’égale intensité correspondant aux adatomes de silicium présentés sur la figure 2.4. La rugosité mesurée sur une ligne de balayage est de 0,8 Å. Ce réseau hexagonal d’une périodicité de 3,85 Å coïncide avec la surface idéale Si(111) 1x1. Une telle surface parfaitement ordonnée reflète le haut degré de qualité cristalline du siliciure.

 

La résolution atomique de cette surface ne peut être obtenue que pour des tensions V petites, allant de quelques mV à quelques dizaines de mV, indiquant un comportement métallique. Une analyse de la structure de bandes du siliciure, mesurée par P. Wetzel et al., permet de déterminer la contribution principale au courant tunnel [28].

 

La figure 2.6 présente la structure de bandes expérimentale du siliciure 2D ErSi2 mesurée en photoémission UV.

 

Aucune modification de la courbe de dispersion n’est observée lorsque la mesure est effectuée avec d’autres radiations que NeI, ce qui est une condition nécessaire pour un caractère 2D de la structure de bandes (la grandeur k// est indépendante de l’énergie des photons).

Figure 2.6 : Structure de bandes expérimentale du siliciure d’erbium 2D

ErSi2 mesurée dans la direction (radiation NeI, hn = 16,8 eV) [27].

 

         Les bandes  dans la gamme d’énergie de liaison 0-4 eV reflètent des états de surface. On remarque que beaucoup de bandes sont anti-liantes à proximité de . De plus, cette structure de bandes est caractérisée par une poche de trous en  et des poches d’électrons en . Dans les semi-métaux, le léger chevauchement des bandes de conduction et de valence conduit à l’apparition de trous dans la bande de valence et de poches d’électrons dans la bande de conduction. La surface de Fermi de ce siliciure est donc typiquement celle d’un semimétal. Dans la gamme d’énergie 0-2 eV, deux bandes présentent des minimums en  à 1,65 eV et 0,1 eV. La bande presque pleine coupe le niveau de Fermi à k// » 0,15 Å-1 ; cet état, de faible k//, décroît faiblement dans le vide et contribue donc principalement au courant tunnel. Une analyse théorique de la composition orbitale [23] de la structure de bande du siliciure 2D a révélé que cet état est attribué aux orbitales Si 3pz des adatomes.

 

Les protubérances sur les images STM en résolution atomique reflètent bien les adatomes de silicium [28].

 

 

2.3.3)         Le siliciure d’erbium 3D ErSi1,7

 

         Pour des dépôts d'erbium supérieurs à la monocouche, un siliciure d’erbium 3D ErSi1,7 reconstruit Ö3xÖ3 R30° apparaît.

 

La figure 2.7 présente le modèle atomique de ce siliciure proposé par l'équipe du Pr. Gewinner.

 

Figure 2.7 : Structure cristallographique du siliciure d’erbium 3D ErSi1,7.

 

Par rapport au siliciure 2D, le siliciure 3D présente un déficit de 15% de silicium, d’où la stœchiométrie 1,7.

 

Il cristallise dans une structure de type AlB2 (a » 3,84 Å, c » 4,06 Å) et consiste en un empilement d’un plan graphitique de silicium intercalé entre deux plans hexagonaux d’erbium. Ce siliciure possède une périodicité Ö3xÖ3 R30°, en accord avec les observations de diffraction d’électrons lents, qui est attribuée à des lacunes ordonnées dans les plans de silicium. Ces lacunes libèrent les contraintes pour permettre la transformation d’une bicouche de silicium en une couche plane. Notons que, lorsqu’on considère une couche supplémentaire, le deuxième plan de silicium avec lacunes est tourné de 120° : la périodicité de ce siliciure est 2c [29] suivant la direction [111].

 

         L’image STM en résolution atomique obtenue sur la surface du siliciure 3D est présentée sur la figure 2.8 [30].

 

 

Figure 2.8 : Image STM de la surface du siliciure d’erbium 3D

(5x5 nm2, It = 0,4 nA, V = -74 mV).

 

Cette image de la surface du siliciure 3D ErSi1,7 a été obtenue pour une tension de –74 mV et un courant tunnel It= 0,4 nA. Elle révèle une symétrie hexagonale avec une périodicité 1x1 (de rugosité h1x1 » 0,8 Å) modulée par une  Ö3xÖ3 R30° (de rugosité hÖ3 » 0,2 Å). Toutes les Ö3 fois le paramètre de maille, un adatome de silicium du siliciure 3D est légèrement relaxé du fait de la présence d’une lacune juste en dessous. Cependant, il est difficile de quantifier exactement cette relaxation. En effet, la modulation Ö3 n’est visible que dans des conditions particulières de tension, ce qui souligne l’importance des effets spectroscopiques. Lorsque la tension est importante, seule la périodicité 1x1 est visible.

 

L’ensemble de nos observations en microscopie STM a pu confirmer le modèle proposé en figure 2.7 : les lacunes sont bien situées dans le volume et non en surface.

 

Le fait d’acquérir ces images en résolution atomique uniquement avec des tensions faibles indique le caractère métallique du siliciure.

 

Cette observation peut être appuyée par la structure électronique des états de surface mesurée par P. Wetzel et al. (figure 2.9) [28].

 

Compte tenu de la présence de la poche d’électrons en M’, cette structure de bandes est typiquement celle d’un semimétal.

 

Figure 2.9 : Structure de bandes du siliciure 3D ErSi1,7 suivant les directions

et de 1ière zone de Brillouin de surface (1x1) (radiation HeI, hn = 21,2 eV).

 

La principale contribution au courant tunnel provient des états occupés de la bande presque pleine coupant le niveau de Fermi à k// » 0,25 Å-1, proche de [28]. En effet, ces états électroniques avec de petits k// possèdent une décroissance faible dans le vide et contribuent essentiellement au courant tunnel, contrairement aux états en ’.

 

Une analyse théorique et expérimentale de la composition orbitale des états de surface a montré que leur origine est similaire aux états de surface du siliciure 2D ErSi2 [27,28,31,32]. Dans la gamma d'énergie de liaison 0-1 eV, à proximité de ’, les états sont composés d’orbitales 3pz du silicium. Une forte contribution des orbitales 5dz2 de l’erbium est à noter lorsque l’on s’éloigne de ’.

 

         Les premiers résultats que nous avons publiés sur l’étude du mode de croissance  en microscopie STM de l’interface Er/Si [30] ont révélé un système très original présentant des caractéristiques identiques avec d'autres interfaces TR/Si [2-4].

         Nous allons maintenant décrire le mode de croissance des siliciures étudié en photoémission UV et microscopie STM.

 

2.3.4)         Le mode de croissance du siliciure d’erbium

 

2.3.4.1 )      Mode de croissance étudié par photoémission UV

 

         Avant de présenter les résultats obtenus en microscopie STM, examinons le suivi en photoémission UV (figure 2.10) d’un état de surface caractéristique du siliciure d’erbium 2D en fonction du taux de recouvrement en erbium.

 

Figure 2.10 : Evolution de l’intensité d’un état de surface du siliciure 2D en fonction de la quantité d’erbium, pour des dépôts « à froid » ( ¢ ). En encadré : spectre de photoémission au point  de la zone de Brillouin de surface (1x1) [33].

 

         Sur le spectre de photoémission, deux pics à 2,5 et 1,65 eV associés à des états de surface sont observés au point  de la zone de Brillouin de surface (1x1). L’état de surface à 1,65 eV (signalé par une flèche) est attribué aux liaisons pendantes de la bicouche de silicium terminant le siliciure 2D. L’intensité de cette structure permet d’estimer la fraction de surface du substrat de silicium recouverte.

 

La droite correspondant à un mécanisme de croissance 2D idéal est indiquée par la flèche. Pour une croissance 2D idéal, la surface de la couche de siliciure augmente proportionnellement en fonction du taux de recouvrement. Dans le cas du système Er/Si, l’évolution du signal liée à l’état de surface du siliciure 2D ErSi2 n’est pas linéaire. Cela révèle un mode de croissance particulier qu’il convient d’étudier précisément.

 

Sur la courbe de la figure 2.10, trois zones peuvent être identifiées :

 

1.   Pour des taux de recouvrement compris entre 0,2 et 0,5 monocouche, où la courbe n’est pas linéaire, une nette réduction de l'intensité du signal par rapport à un mode de croissance 2D idéal est observée. La photoémission ne permet pas à elle seule de préciser d’avantage les choses. On peut néanmoins supposer qu’une partie de l’erbium déposé en surface diffuse en volume ou participe à la formation d’un autre siliciure.

 

2.   Entre 0,5 et 0,8 monocouche, l’évolution du signal est linéaire et suit la droite caractéristique d’une croissance 2D idéale. On se situe alors dans le cas d’une croissance 2D idéale où tout l’erbium déposé en surface participe à la formation du siliciure 2D ErSi2.

 

3.   Au delà de 0,8 monocouche, l’intensité du signal décroît de façon linéaire. Cette diminution est attribuée à la croissance d’une deuxième couche possédant des états de surface différents de ceux du siliciure 2D.

 

         A ce stade de l’étude, des informations complémentaires sont nécessaires pour caractériser de façon plus précise l’interface. Les observations de la surface dans l’espace réel en haute résolution fournies par la microscopie à effet tunnel vont permettre de compléter l’ensemble de ces données.

 

 

2.3.4.2 )      Mode de croissance étudié par STM

 

 

Les différentes observations de l’interface Er/Si seront présentées en fonction du taux de recouvrement, en accordant une attention particulière aux images observées pour la plage située entre 0,2 et 0,5 monocouche, qui feront l’objet d’une étude spécifique dans le paragraphe suivant.

L’image de la figure 2.11 illustre les premiers stades de croissance du siliciure d’erbium.

 

 

Figure 2.11 : Image STM d’un dépôt d’Erbium de 0,01 monocouche

(30x30 nm2, V = 0,7 V, It = 0,2 nA).

 

         Pour environ 0,01 monocouche déposée, seuls de petits amas d’atomes, ne présentant aucune forme cristalline et contenant probablement de l’erbium et du silicium, apparaissent sur la surface. On observe également un nombre important de défauts qui n’étaient pas présents avant le dépôt. Le substrat ainsi corrodé témoigne de la forte réactivité de l’erbium.

 

Notons que les images STM ne montrent pas de sites d’adsorption préférentiels de l’erbium sur l’une des deux demi-cellules de la surface Si(111) 7x7 comme cela a déjà été observé pour les systèmes Ti/Si et Ge/Si [35,36].

 

La figure 2.12 présente une série d’images pour des dépôts variant de 0,5 à 0,8 monocouche.

 

 

   

(a)                                                                (b)

   

(c)                                                              (d)

Figure 2.12 : (a) 0,5 monocouche (200x200 nm2),

(b) 0,8 monocouche (50x50 nm2, V = 1,7 V, It = 1 nA),

(c) détails du (b) montrant des reconstructions 5x5 (14x14 nm2),

(d) détails du (b) montrant des reconstructions 9x9 (10x10 nm2).

 

         Sur la figure 2.12a correspondant à un dépôt de 0,5 monocouche, on remarque que 50% de la surface est recouverte de siliciure 2D. Lorsqu’on dépose 0,8 monocouche (figure 2.12b), le substrat initial 7x7 est recouvert à 80% d’un film de siliciure 2D.

 

Dans cette gamme de taux de recouvrement [0,5-0,8 monocouche], nous sommes typiquement dans le cas d’une croissance 2D idéale comme l’étude en photoémission précédente l’a suggérée (figure 2.10).

 

Les bords des zones non recouvertes sont toujours orientés suivant les directions [10]. Il arrive que ces zones présentent des reconstructions autres que la 7x7 : par exemple la 5x5 (figure 2.12c) ou la 9x9 (figure 2.12d). On est alors dans le cas où les dimensions des zones ne correspondent pas à un nombre entier de fois la demi-cellule de la 7x7. Les structures 5x5 et 9x9 sont alors énergétiquement plus favorables.

 

La formation d’une monocouche de siliciure 2D homogène et continue n’est jamais atteinte. Les zones non recouvertes permettent vraisemblablement de relaxer des contraintes latérales [11].

 

         Des mesures de hauteur réalistes du siliciure 2D par rapport au substrat Si(111) 7x7 ont été effectuées dans des conditions de basse tension afin de réduire les effets spectroscopiques dus aux fortes différences entre les densités d’états de surface du siliciure 2D et de la 7x7. En travaillant à basse tension, la densité d’états du siliciure 2D au niveau de Fermi est supposée comparable à celle de la 7x7. En effet, ce siliciure est semi-métallique et possède une faible densité d’états au niveau de Fermi, comme la 7x7. La différence de hauteur mesurée est inférieure à 1 Å pour des tensions V £ 100 mV. Compte tenu de la hauteur de 4,86 Å (figure 2.4) d’une monocouche de siliciure, ceci suggère que le siliciure d’erbium 2D croît dans la surface comme nous le proposons sur la figure 2.13.

 

 

Figure 2.13 : Position du siliciure 2D par rapport à la 7x7.

 

L’erbium étant très réactif, lors de l’interaction avec la surface de silicium, la 7x7 est détruite pour former le siliciure. La réaction produit un excès de 4 atomes de silicium puisque la formation de 49 cellules de siliciure 2D nécessite 98 atomes de silicium alors que la 7x7 en contient 102. Cet excès d’atomes peut s’incorporer dans les marches.

Pour un dépôt de 1,3 monocouche (figure 2.14a), on remarque la présence d’îlots sur la première couche de siliciure. La hauteur de la deuxième couche de siliciure par rapport à la première couche est voisine de 4 Å, ce qui est en accord avec le modèle proposé sur la figure 2.7. On peut considérer cette valeur comme exacte puisque les similitudes entre les propriétés électroniques des siliciures 2D et 3D sont importantes. Les effets spectroscopiques sont alors négligeables et les valeurs mesurées sont représentatives de la topographie.

 

Lorsqu'on augmente le taux de recouvrement à 2 monocouches (figure 2.14b), la surface est quasiment recouverte d'un nouveau siliciure. En effet, les observations en DEL et les images STM en résolution atomique ont révélé un siliciure 3D ErSi1,7 Ö3xÖ3 R30° (cf. le §2.3.2).

 

  

(a)                                                                 (b)

Figure 2.14 : (a) 1,3 monocouche (250x250 nm2) et

(b) 2 monocouches d’erbium (200x200 nm2).

 

En résumé, l’étude STM a montré un mode de croissance couche par couche quasi complète [33] avec incorporation dans le substrat de la première couche de siliciure. Celle-ci présente une périodicité 1x1 alors que le siliciure 3D présente une périodicité Ö3xÖ3 R30°.

        

 

2.3.4.3 )      Les surstructures  entre 0,2 et 0,5 monocouche

 

         L’originalité et la complexité de cette interface résident dans le nombre important de surstructures qui peuvent être observées à la sous-monocouche et pour lesquelles il convient d’expliquer les mécanismes de formation et de transformation.

La figure 2.15 montre un cas extrême où 5 phases différentes sont visibles en surface.

 

Figure 2.15 : Interface Er/Si à la sous-monocouche (0,25 monocouche)

montrant 5 phases cristallines différentes (60x60 nm2).

 

Comme l’avait suggéré la photoémission UV (figure 2.10) où une nette réduction de la signature du siliciure 2D avait été remarquée entre 0,2 et 0,5 monocouche, l’erbium induit d’autres siliciures que nous allons maintenant étudier.

 

La figure 2.16 montre l’interface pour un taux de recouvrement proche de 0,25 monocouche.

 

Figure 2.16 : Image STM d’un dépôt d’erbium

de 0,25 monocouche (40x40 nm2, V= 0,63 V, It= 3 nA).

 

         Sur cette surface, seuls les îlots de forme hexagonale, notés A, ont été identifiés comme du siliciure 2D ErSi2 1x1 (cf. le §2.3.2). Les bords de ces îlots sont orientés suivant les directions équivalentes [10] du substrat. Ce siliciure coexiste avec des îlots de nature différente, notés C, des trous notés B et le substrat Si(111) 7x7.

 

Les images de la figure 2.17 présentent un trou, similaire aux trous B de la figure 2.16.

 

  

(a)                                                                     (b)

Figure 2.17 : (a) image STM d’un trou (55x55 nm2, V= -1,6 V, It= 1,2 nA).

(b) zoom du bord d’un trou (20x20 nm2, V = -1 V, It= 0,5 nA).

 

         Ce trou dans le substrat initial (figure 2.17a) provient de l’interaction de l’erbium avec la surface et présente un arrangement périodique différent de la 7x7. Cette reconstruction (figure 2.17b) affiche une périodicité originale 2Ö3x2Ö3 R30° (notée par la suite 2Ö3) qui a été également observée depuis, sur le système Dy/Si(111) [2].

 

         Lorsqu’on observe l’îlot noté C de la figure 2.16, on constate la présence d’une reconstruction 2Ö3 semblable à celle des trous. La figure 2.18 présente une série d’images STM de ces îlots 2Ö3 [37].

 

         Sur la figure 2.18a on observe très nettement la 7x7 et l’arrangement 2Ö3x2Ö3 R30° des îlots et du trou. La différence de hauteur entre un îlot et un trou, de 3,2 Å environ, correspondant à une bicouche de silicium (h=3,14 Å), laisse supposer que les deux structures ont la même origine cristallographique. Les différences de hauteur mesurées « 7x7/trou » et « îlot/7x7 » sont respectivement de 2,2 Å et 1 Å sur cette image.

 

 

10x10 nm2

 

8x10 nm2

 

12x12 nm2

 

30x30 nm2

 

         Des images STM mieux résolues, particulièrement difficiles à obtenir, ont permis d’apporter des informations sur la formation et l’évolution de cette reconstruction 2Ö3.

 

La figure 2.18b présente une image STM en polarité négative où trois dimères, alignés suivant les directions équivalentes [10], sont observés dans une demi-cellule, alors qu’en polarité positive (figure 2.18c), un hexagone déformé est observé dans l’autre demi-cellule.

 

Cette reconstruction 2Ö3 dissymétrique est constituée de six protubérances placées aux sommets d’un hexagone contraint et séparées l’une de l’autre d’environ 3,8 Å. L’obtention simultanée de la résolution atomique sur la 2Ö3 et la 7x7 a permis de localiser les protubérances en position T4 par rapport à la 1x1.

 

La quantité locale d’atomes d'erbium contenue dans la structure 2Ö3 a pu être déterminée en considérant les indications obtenues à l’aide d'une microbalance à quartz et les images STM. Pour des faibles taux d'évaporation d'erbium et des températures de recuit faibles (T»500°C), seuls les îlots 2D ErSi2 1x1 et 2Ö3 apparaissent sur le substrat 7x7 (figure 2.16). Puisque la concentration en atomes d'erbium dans les îlots 2D est bien connue, une analyse statistique de la fraction de surface recouverte par les îlots 2D, 2Ö3 et les trous 2Ö3 a été effectué à partir de nombreuses images STM. L'ensemble des expériences a montré que cette structure 2Ö3 contient deux fois moins d'atomes d'erbium que le siliciure 2D ErSi2 1x1. Pour une surface 1x1, le siliciure 2D ErSi2 contient un atome d’erbium, tandis que la structure 2Ö3 n’en contient que 0,5. La présence de cette structure 2Ö3 est donc attribuée à une densité locale d’erbium de 0,5 monocouche.

 

Notons que la figure 2.18d présente des domaines d’antiphase 2Ö3 observés aussi sur le système Dy/Si(111) [2].

 

Une mesure, en mode spectroscopique, de l'évolution du courant tunnel en fonction de la tension V a été effectuée sur la structure 2Ö3. Afin d'être sûr que le spectre présenté à la figure 2.19 n'est pas associé à la densité d'états de la pointe, la spectroscopie tunnel a été effectuée auparavant sur le substrat Si(111) 7x7. Les mesures ainsi obtenues sont en accord avec les résultats publiés par R..J. Hamers et al. [20]. On remarque que ce spectre présente une pente non nulle au voisinage de V= 0 V. Ceci révèle clairement le caractère métallique de la structure 2Ö3. De plus, la pente est faible, ce qui indique une faible densité d'états au niveau de Fermi. Dans ce cas, comme le siliciure 2D ErSi2, la structure 2Ö3 possède en caractère semi-métallique.

 

Figure 2.19 : Evolution du courant tunnel en fonction de la différence de potentiel V

Mesurée en mode spectroscopique sur un îlot 2Ö3.

 

 

Compte tenu du faible taux de recouvrement de cette structure, les techniques d’analyses moyennant l’information ne permettent pas d’obtenir davantage d’informations telles que la structure électronique des états de surface. Notre équipe a proposé un modèle atomique de la 2Ö3, avec des adatomes d’erbium situés en site T4 sur la 1x1 [37]. Mais ce modèle ne peut être confirmé par d’autres techniques suite à sa faible présence en surface.

 

         La reconstruction 2Ö3 n’est pas la seule reconstruction observée dans la gamme 0-0,5 monocouche. Les images de la figure 2.20 présentent deux autres phases originales.

 

 

  

 (a)                                                                    (b)

Figure 2.20 : (a) dépôt « à chaud » de 0,25 monocouche d’Erbium (60x60 nm2, V= 1,7 V, It= 0,4 nA),

(b) résolution atomique de la 5x2 (25x25 nm2, V = -1,4 V, It = 0,5 nA).

 

Sur l’image de la figure 2.20a coexistent diverses reconstructions :

·        le siliciure stable 2D ErSi2 1x1,

·        la 2Ö3x2Ö3 R30°,

·        la 5x2 ,

·        et la 2x1.

 

La 5x2 n’est pas connue comme une reconstruction de surface du silicium et doit donc correspondre à une nouvelle forme de siliciure d’erbium. Lorsqu’on examine cette reconstruction 5x2 en résolution atomique (encadré de la figure 2.20b), deux atomes par cellule élémentaire sont observés en position T4 (r) et un troisième en position H3 (¢) (voir la figure 2.4) par rapport à la 1x1 du silicium. La surface recouverte par cette reconstruction est extrêmement faible ; par conséquent, il devient difficile de proposer un modèle structural sur la seule base d’informations obtenues par STM.

 

 

En résumé, deux nouveaux siliciures ont été observés pour des faibles taux de recouvrement. Les images en résolution atomique ont montré des reconstructions 2Ö3x2Ö3 R30° et 5x2 très différentes de celle du siliciure 2D.

 

2.3.4.4)       Influence des conditions de dépôt

 

         L’influence des conditions de dépôt (dépôt « à froid » ou « à chaud ») a surtout été mise en évidence pour des taux de recouvrement proches de 0,5 monocouche. En effet, pour un dépôt effectué à température ambiante suivi d’un recuit à 500°C, les reconstructions métastables ont disparu, alors qu’elles subsistent pour un dépôt à 500°C (figure 2.21).

 

        

(a)                                                              (b)

 

  

(c)

Figure 2.21 : (a) dépôt de 0,5 monocouche d’erbium à température ambiante sans recuit (50x50 nm2),

(b) dépôt de 0,5 monocouche d’Er « à froid » (200x200 nm2, V = 2,1 V, It = 0,5 nA),

 (c) dépôt de 0,5 monocouche d’Erbium « à chaud » (200x200 nm2V = -2,5 V, It = 0,2 nA).

 

         La figure 2.21b présente une image sur laquelle n’apparaissent que des îlots 2D ErSi2 entourés du substrat initial 7x7, tandis que sur la figure 2.21c (dépôt à 500°C), la reconstruction métastable 2Ö3 est encore présente sous la forme d’îlots et de trous.

 

La figure 2.22 présente l’évolution de l’intensité d’un état de surface du siliciure 2D pour les deux conditions expérimentales de dépôt.  Pour un dépôt réalisé sur substrat maintenu à 500°C, on observe, au voisinage de 0,5 monocouche (signalé par la double flèche), une nette réduction de la signature du signal 2D par rapport au dépôt à température ambiante suivi d’un recuit. Les images STM permettent d’interpréter cette diminution par la présence de la structure 2Ö3. Les images 2.21b et 2.21c sont en parfait accord avec les mesures de photoémission avec respectivement 45% et 10% (figure 2.22) de siliciure 2D observé.

 

Figure 2.22 : Evolution de l’intensité d’un état de surface du siliciure 2D en fonction de la quantité d’erbium, pour des dépôts « à froid » ( ¢ ) et « à chaud » ( l ).

En encadré : spectre de photoémission au point .

 

Comme la longueur de diffusion des atomes en surface est plus importante à chaud, on devrait observer plus de siliciure 2D et moins de structure 2Ö3 sur les images STM. Cependant, du fait de la température du substrat et du faible flux durant le dépôt, les atomes d'erbium présents en faible quantité sur la surface vont diffuser et réagir immédiatement pour former la phase cristalline 2Ö3 puisque la densité locale d'erbium n'est pas suffisante pour former le siliciure stable 2D. La figure 2.23a illustre ce mécanisme de nucléation.

 

       

(a)                                                             (b)

Figure 2.23 : Schéma illustrant le mécanisme de croissance pour des dépôts (a) « à chaud » et (b) « à froid ».

 

Pour un dépôt à température ambiante suivi d'un recuit à 500°C, le mécanisme est très différent comme l'illustre la figure 2.23b. Dans ce cas, la totalité de l'erbium est déposée avant le recuit. L'interaction de l’erbium avec le substrat est trop faible pour induire une cristallisation, mais la densité locale d'atomes d'erbium nécessaire à la formation du siliciure 2D est atteinte, ce qui va entraîner lors du recuit la formation du siliciure stable 2D ErSi2 et l'absence de la structure métastable 2Ö3. Ceci est confirmé sur la figure 2.21. La figure 2.21a présente un dépôt de 0,5 monocouche à température ambiante sans recuit. Cette image montre la présence de nombreuses petites structures non cristallisées, traduisant une densité d'atomes d'erbium importante et suffisante pour qu’après un recuit à 500°C, seul le siliciure stable 2D ErSi2 soit présent (image STM de la figure2.21b).

 

         Au-dessus de 0,6 monocouche, les reconstructions métastables ont totalement disparu comme l’ont montré les observations STM et le suivi en photoémission de la figure 2.22. La densité d’atomes d’erbium est maintenant suffisante pour ne former que du siliciure stable 2D ErSi2 quel que soit le type de dépôt (« à chaud » ou « à froid »). Cette densité critique est estimée aux alentours de 0,5 monocouche.

 

Les résultats précédents montrent le caractère métastable de la recons-truction 2Ö3 en soulignant l’influence de la concentration locale d’erbium.

 

 

Quant à la température, elle intervient de deux manières : 

·     soit en jouant sur la longueur de diffusion et donc sur la concentration locale d’erbium lors de la formation de la 2Ö3,

·     soit en activant un processus de désagrégation de cette structure après formation comme nous allons le voir.

 

Les images de la figure 2.24 illustrent ce processus de transformation des îlots 2Ö3 en fonction du temps de recuit.

 

30x30 nm2

 

45x45 nm2

 
   

                                      (a)                                                                       (b)

Figure 2.24 : Evolution des îlots de 2Ö3 en fonction des recuits, obtenue après un recuit de 500°C pendant (a) 15 minutes (45x45 nm2) et (b) 30 minutes (30x30 nm2).

 

         Après 15 minutes de recuit à 500°C, l’îlot commence à se désagréger et au bout de 30 minutes, il a presque disparu. Une température de recuit plus importante entraîne la disparition totale de cette reconstruction.

Le recuit entraîne une diffusion sur la surface de l’erbium contenu dans les îlots 2Ö3 vers les trous. Cette diffusion va induire une augmentation de la concentration d’erbium dans les trous reconstruits 2Ö3. Lorsque la densité locale d'erbium nécessaire à la formation du siliciure stable 2D est atteinte, la transformation de la phase 2Ö3 en siliciure stable 2D ErSi2 1x1 s'effectue.

 

         La figure 2.25a présente une image d’un dépôt de 0,25 monocouche à 500°C avec un recuit supplémentaire de 45 minutes à 500°C. Des îlots de siliciure 2D sont observés, coexistant avec des îlots de forme allongée. Les îlots 2Ö3 ont disparu et seuls quelques trous 2Ö3 subsistent, indiquant que cette reconstruction est plus stable sous la forme de trou. Du point de vue énergétique, ces deux systèmes 2Ö3 ne sont pas équivalents.

 

    

(a)                                                                    (b)

 

 (c)

Figure 2.25 : Evolution de la surface à 0,25 monocouche à 500°C pour

(a) un recuit de 45 minutes à 500°C (100x100 nm2, V = 0,5 V, It = 0,6 nA),

(b) un recuit à 700°C (1000x1000 nm2, V = 0,25 V, It = 1 nA),

(c) résolution atomique de la 2x1 (6x6 nm2, V = -10 mV, It = 20 pA).

 

Ce recuit long induit donc une transformation de la 2Ö3 en structures plus stables telles que les îlots allongés et le siliciure 2D.

 

L’effet d’un recuit à plus haute température (700°C) sur la 2Ö3 est montré en figure 2.25b. Des îlots allongés sont essentiellement visibles. A ce stade, les reconstructions métastables 2Ö3 et 5x2 ont complètement disparu.

 

         La hauteur des îlots de forme allongée est voisine de 4 Å par rapport à la 7x7. Ceci suggère une phase Er-Si de type 3D. Cependant la reconstruction de surface de ce siliciure est différente du siliciure 3D ErSi1,7. L’image de la figure 2.25c en résolution atomique obtenue sur les îlots allongés indique une périodicité 2x1. Ce type de reconstruction a aussi été rencontré sous la forme d'îlots 3D sur le système Yb/Si(111) [3]. La croissance de l’îlot 2x1 est anisotropique suivant les directions équivalentes [10] et les rangées denses sont parallèles au bord le plus long de l’îlot, ce qui indique une énergie de bord plus faible que dans la direction orthogonale [11]. Le haut degré d’anisotropie de ces îlots contraste avec les formes isotropiques hexagonale et triangulaire des autres siliciures stables.

 

 

2.4   CONCLUSION

 

 

         La microscopie à effet tunnel a montré, pour l’interface Er/Si(111) 7x7, un mode de croissance de type couche par couche, avec un siliciure 2D reconstruit 1x1 et un siliciure 3D caractérisé par un réseau de lacunes en volume de périodicité Ö3.

 

         Cette interface s’est révélée être un système extrêmement riche. En plus de deux siliciures stables, elle présente trois autres reconstructions différentes : deux siliciures métastables reconstruits 5x2 et 2Ö3x2Ö3 R30°, ainsi qu’une structure 3D stable 2x1 anisotrope. Pour des faibles taux de recouvrement inférieurs à 0,5 monocouche, des reconstructions métastables apparaissent lorsque la densité locale d’atomes d’erbium nécessaire à la formation du siliciure stable 2D n’est pas atteinte. Dans ce contexte, l’erbium étant un élément très réactif, il induit la formation de structures métastables 2Ö3x2Ö3 R30° et 5x2. Lors d’un recuit prolongé, ces dernières disparaissent au profit du siliciure 2D ErSi2 et d’une structure 3D 2x1 stable à haute température. La figure 2.26 présente les images STM décrivant cette interface en fonction du taux de recouvrement et de la température.

Figure 2.26 : Les différentes phases de l’interface Er/Si(111) 7x7 en fonction de la température et du taux de recouvrement.

 

 

         Dans ce chapitre, nous avons vu qu’aussi bien la réactivité de l’erbium que celle de la surface Si(111) 7x7 joue un rôle important dans le processus de formation du siliciure d’erbium. Dans le chapitre suivant, nous examinerons l’effet d’une modification de la réactivité de la surface sur la morphologie de l’interface.

 

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