ETUDE DE L’INTERFACE
SILICIURE D’ERBIUM SUR SILICIUM PAR MICROSCOPIE EN CHAMP PROCHE A EFFET TUNNEL
SOUS ULTRAVIDE
Dans les années 70, la maîtrise des vides très poussés (désignés sous le terme d’ultravide) a apporté un essor considérable à la physique des surfaces. La possibilité de créer et de maintenir des surfaces propres durant plusieurs heures autorisa, dès lors, le développement de nombreuses techniques d’analyse.
Que ce soit pour des raisons fondamentales ou technologiques, les études sur les surfaces et les interfaces sont de plus en plus nombreuses. Dans le cas des surfaces cristallines, la perte de symétrie dans une direction (par rapport au volume) entraîne très souvent une augmentation de l’énergie libre, aussitôt compensée par une réorganisation cristalline. De ce fait, les propriétés physiques des surfaces sont très différentes de celles du volume.
D’un point de vue fondamental, il devient alors intéressant de comprendre l’ensemble des phénomènes complexes participant à la formation et à la transformation de ces surfaces tels l’adsorption, la diffusion de surface, la ségrégation ...
D’un point de vue technologique, la miniaturisation des composants de base de l’électronique fait jouer un rôle de plus en plus grand aux surfaces par rapport au volume. Les couches et les multicouches intervenant dans la fabrication des composants sont sans cesse plus minces et nécessitent donc des études spécifiques relatives aux surfaces et aux croissances d’interfaces.
Dans le cadre particulier de la micro-électronique, la course entreprise vers la haute intégration des composants à base de silicium a entraîné des études sur le choix de nouveaux composés pour la réalisation des contacts électriques. Les premiers contacts étudiés furent les siliciures de métaux nobles et les plus récents, les siliciures de terres rares (TR).
Plusieurs études ont montré que la réalisation de
contacts TRSi/Si présente beaucoup d'avantages. Parmi les plus intéressants, on
peut noter les propriétés physiques et électriques telles [1]:
·
leur température modérée
de formation, voisine de 500°C sur le silicium(111),
·
la croissance
épitaxique sur le silicium(111),
·
leur bonne
conductivité électrique (de 1 à 6.104 W-1.cm-1)[2],
·
leur faible hauteur de
barrière de Schottky. On atteint pour celle-ci des valeurs comprises entre 0,3
et 0,4 eV pour du silicium de type n et 0,7-0,8 eV pour du silicium de type p.
La stœchiométrie des siliciures de
terres rares est décrite par la formule générale TRSi2-x. Les
siliciures peuvent cristalliser suivant trois structures de type ThSi2,
GdSi2 et AlB2. Le type de structure cristallographique
dépend principalement de la nature de la terre rare, de la stœchiométrie, mais
aussi de la température de recuit. Lorsque le rayon covalent d’une terre rare décroît,
on passe successivement d’une phase tétragonale (ThSi2) à une phase
orthorhombique (GdSi2), puis hexagonale (AlB2). Il est
important de noter que la chimie des terres rares est largement déterminée par
les électrons de valence 5d6s tandis que les électrons 4f n’interviennent pas.
De plus, certaines terres rares sont capables de modifier leur valence en
fonction de leur environnement. Dans l’état trivalent, plusieurs d’entre elles,
comme l’erbium, l’yttrium (qui se comporte comme une terre rare) [3] et le dysprosium [4], cristallisent en une structure de type AlB2.
L’étude du siliciure d’erbium sur
Si(111) a débuté en 1995 au laboratoire, en collaboration étroite avec le
Laboratoire de Physique et de Spectroscopie Electronique de Mulhouse (UPRES A 7014).
A cette époque, des études tant expérimentales que théoriques avaient déjà été
faites, notamment en diffraction d’électrons lents et en photoémission. Mais
l’absence d’informations à l’échelle locale et dans l’espace réel faisait
cruellement défaut pour décrire de manière plus précise l’interface Er/Si(111).
Notre équipe a entrepris cette étude par microscopie
à effet tunnel (encore dénommée STM pour « Scanning Tunneling
Microscopy ») sous ultravide. L’utilisation de cette technique, appliquée
aux surfaces de siliciures de terre rare, donne une image dans l’espace réel
des arrangements atomiques des différentes structures et révèle la morphologie
de l’interface, localement. C’est ainsi que notre équipe a été la première à
publier des images en résolution atomique de la surface d’un siliciure de terre
rare en l'occurrence : le siliciure bidimensionnel (2D) ErSi2
reconstruit 1x1 et le siliciure tridimensionnel (3D) ErSi1,7
reconstruit Ö3xÖ3 R30° [5]. Pour une telle étude, la microscopie STM s’est
révélée être un outil puissant, apportant de nombreuses informations sur la
surface. De plus, nos résultats ont pu être corrélés à ceux obtenus à l’aide
d’autres techniques (diffraction d'électrons lents, photoémission,…).
Dans un premier temps, nous présentons
dans ce manuscrit le contexte expérimental de notre travail de thèse. Le chapitre
I comprend une description du microscope
utilisé et de son environnement instrumental. Nous y abordons également le
principe de l'effet tunnel afin de bien interpréter les images STM obtenues et
d'en dégager les informations apportées par ce moyen d'investigation locale.
Nous terminons en exposant succinctement les techniques de photoémission
UV(UPS) et de spectroscopie ISS (Ion Scattering Spectroscopy), utilisées pour
caractériser les dépôts et corroborer nos résultats.
L'attention portée, depuis de
nombreuses années, à l'égard de l'interface Er/Si(111) 7x7 a permis de mettre
en évidence l'existence d'un siliciure 2D et d'un siliciure 3D. L’étude par
microscopie STM que nous avons entrepris a montré toute la richesse mais aussi
toute la complexité de ce système. Le chapitre II s’intéresse plus particulièrement aux premiers stades de croissance du
siliciure d’erbium sur Si(111) 7x7. Pour des dépôts inférieurs à la monocouche,
de nombreuses structures intermédiaires apparaissent. Leur faible densité en
surface ne permet pas de les analyser avec d'autres techniques d'analyse que la
microscopie STM. Nous verrons comment ces structures évoluent en fonction des
conditions expérimentales. Ce chapitre souligne également la grande réactivité
de la surface Si(111) 7x7.
Afin d'étudier l'influence de la
réactivité de surface du silicium (111) sur le mécanisme de croissance, nous
présentons au chapitre III les
résultats obtenus avec un substrat Si(111) d-dopé en bore reconstruit Ö3xÖ3 R30°. La réactivité
de celui-ci peut en effet être modifiée en jouant sur la quantité de bore
présent au voisinage de la surface, c'est-à-dire en passivant plus ou moins les
liaisons pendantes des atomes de silicium situés à la surface. Lorsque la
densité de bore est faible, l'interface présente une morphologie proche du
système Er/Si(111) 7x7. Les différences observées dans le cas d’un fort dopage
(donc d’une plus faible réactivité de la surface) nous ont conduits à un examen
approfondi du rôle du bore sur le processus de formation du siliciure,
nécessitant de faire appel à d’autres techniques, telles la photoémission UV et
la spectroscopie ISS. Nous verrons que le bore, tout en restant absent des
siliciures, modifie leurs propriétés électroniques et leur qualité cristalline.
Ce chapitre souligne aussi la très grande réactivité de l'erbium, même sur une
surface peu réactive.
Ce travail de thèse a également permis d’étudier
pour la première fois des germaniures de terre rare. L’intérêt fondamental de
cette étude est directement lié aux caractéristiques proches du germanium et du
silicium : paramètres de maille voisins, même structure cristalline et
caractère semi-conducteur commun. Le chapitre IV présente des résultats originaux obtenus par microscopie STM sur
l’interaction de l’erbium avec une surface Ge(111) c(2x8). Les images STM
montrent des composés ErGe2-x 2D et 3D et un mode de croissance de
type couche par couche laissant apparaître des surstructures à basse
température.
Références bibliographiques:
[1] F.P.
Netzer, J. Phys. Condens. Matter 7, 991 (1995)
[2] G.
Guizzetti, E. Mazzega, M. Michelini, F. Nava, A. Borghesi, A. Piaggi, J. Appl.
Phys. 67, 3393 (1990)
[3] M.P. Siegal, F.H. Kaatz, W.R. Graham, J.J. Santiago, J. Van der
Spiegel, Appl. Surf. Sci. 38, 162 (1989)
[4] S. Vandré, T. Kalka, C. Preinesberger, I. Manke, H. Eisele, M.
Dähne-Prietsch, R. Meir, E. Weschke, G. Kaindl, Appl. Surf. Sci. 123/124, 100
(1998)
[5] T. P. Roge, F. Palmino, C. Savall, J. C. Labrune, P. Wetzel, C.
Pirri, G. Gewinner, Phys. Rev. B, 51, 10998 (1995)